Villenave d’Ornon, château de Sarcignan
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Le château de Sarcignan fut construit en style néogothique entre 1860 et 1870 par Philippe Alary Lamartinie, ancien conseiller municipal de Villenave d’Ornon, petite ville située près de Bordeaux et en plein domaine de Pessac-Léognan, même s’il se trouve aujourd’hui à proximité d’un environnement urbain dégradé. Ce bel édifice, typique de la région, est situé au milieu d’un parc et possède des dépendances du XVIe siècle. Le tout a été acquis en 1985 par la commune qui a transformé les communs en salles de réunion et d’exposition.
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La municipalité veut désormais détruire ce château pour construire une maison des associations. Nous avons voulu interroger la mairie, sans résultat, comme c’est souvent le cas dans ce type d’affaires. Des articles de presse locale, notamment l’interview du premier adjoint au maire dans Sud-Ouest le 24 juin 2015, donnent leurs arguments : la mairie veut construire une maison des associations. Et pourquoi ne pas créer cette maison dans le château ? Impossible explique l’adjoint. La restauration du château coûterait selon lui 1 million d’euros, et il serait impossible d’utiliser l’étage « la structure interdisant la création d’une cage d’ascenseur. » Rémi Delabres, président de l’association des architectes du patrimoine, qui connaît bien le dossier, nous a répondu que les arguments de la mairie étaient erronés. Sur l’impossibilité de construire un ascenseur, il nous a affirmé que « de nombreux bureaux d’études s’appuient sur des normes qui s’appliquent au neuf mais qui n’ont en revanche aucun caractère obligatoire dans le bâti ancien. Je ne vois ici aucune difficulté à installer dans ce château un ascenseur. Je rajouterais qu’il serait tout à fait possible d’aménager le grand volume qui se trouve sous les combles » Sur le coût, qui reviendrait à dépenser 3100 €/m2, il nous a répondu : « À titre d’exemple, je livre actuellement un chantier de reconversion d’un monument historique des XVe et XIXe siècles en Conservatoire de musique et de danse à Thouars dans les Deux-Sèvres. Pour des exigences beaucoup plus fortes et des performances très élevées (acoustiques et énergétiques notamment), nous sommes pourtant sur un coût au m2 ne dépassant pas les 1800 € HT. » Il conclut : « la Mairie n’a manifestement pas fait appel aux professionnels compétents pour intervenir sur le bâti ancien. Il existe pourtant des architectes spécialisés, dont une vingtaine en Aquitaine, pour intervenir sur de tels projets. Cette formation post-diplôme de deux années est dispensée par le Ministère de la culture à l’Ecole de Chaillot où de nombreux architectes étrangers viennent également se former »
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On retrouve ici un cas de figure fort proche de l’église Saint-Jacques d’Abbeville : une municipalité veut détruire un bel édifice néo-gothique (ici un château, là une église) en prétextant un état et des coûts de restauration très éloignés de la réalité et en soutenant qu’il n’a aucune valeur. « Je rappelle que le château n’a pas d’intérêt architectural » ose ainsi affirmer le premier adjoint, qui ajoute « il n’a jamais été répertorié ». Nul ne peut se prévaloir de ses propres turpitudes. Comme nous l’a fait remarquer Rémi Delabres : « Un tel château aurait dû au minimum faire l’objet d’une protection dans le cadre du PLU de la Commune car il présente avec son parc un intérêt patrimonial et paysager indéniable pour la Commune et l’agglomération bordelaise. ».
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Nous pensions, à tort évidemment - nous sommes parfois d’une naïveté coupable - que le vandalisme monstrueux qui sévit actuellement au Moyen-Orient allait inciter les politiques de tout bord (et la ministre de la Culture qui s’en indigne bruyamment) à ralentir le rythme des destructions du patrimoine en France. C’était évidemment ridicule. Les démolisseurs restent des démolisseurs, c’est hélas dans leur nature. Les associations (la SPPEF, « Les amis du château de Sarcignan » et la Société archéologique de Bordeaux notamment) vont essayer de s’opposer à cette destruction qui peut intervenir à tout moment à partir du 10 août, sans grand espoir de réussir. Signalons tout de même une pétition (une de plus) mise en ligne ici, qui en un mois a réuni plus de 7 000 signatures.
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Didier Rykner, lundi 27 juillet 2015 La Tribune de l'Art